Bonjour,
Je vous souhaite de très beaux voyages de lectures.

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New York. Un dédale de couloirs au sous-sol d’un immense building un peu en dessous de Central Park, entre la 6e et la 7e avenue : les bureaux du restaurant Le Bernardin siègent à l’abri des regards indiscrets. J’ai l’impression d’entrer dans le coffre-fort du restaurant… Discussion à bâtons rompus avec le chef étoilé Éric Ripert, par un après midi d’automne.

Chaque jour, en se levant, Éric Ripert pense à sa cuisine et non pas aux trois étoiles qu’il a obtenues au Guide Michelin pour Le Bernardin voici plus de six ans.

Pas plus qu’il ne pense aux quatre étoiles attribuées chaque année par le New York Times depuis 25 ans, ni à son classement par le Prix San Pellegrino : 18e parmi les 50 meilleurs restaurants du monde ! Jamais un restaurant ne s’est maintenu ainsi au sommet sans jamais perdre aucune de ses distinctions. Ce temple du poisson, comme le nomme le critique gastronomique Frank Bruni, est commandé par Éric Ripert depuis 1995.

Le Chefs Tasting Menu que j’ai eu la chance de déguster voici quelques semaines est un voyage de saveurs à jamais imprimé dans ma mémoire : Caviar et beef Wagyu, Ultra Rare Yellofish Tuna, Butter Poached Lobster Tail, Baked Turbo, Bread Crusted Red Snapper, Crispy Black Bass, Roasted Pineapple and Rosemary Ice Cream et Dominican Chocolate Ganache pour ne vous faire la lecture que des titres des plats. Une symphonie de poisson pour laquelle, comme me le précise Éric, « la devise de la maison estFish is the star of the Plate’ ».

La mémoire des recettes

90 % de la carte du Bernardin change chaque année. Aujourd’hui, on ne compte plus que trois plats restés les mêmes depuis l’an dernier. Il n’est donc pas certain que les plats mentionnés plus haut figurent encore sur la carte si, pour votre plus grand bonheur, vous passez plus tard dans cet établissement. Des plats qui ne reviennent jamais, donc, et lorsque je demande à Éric s’il a gardé dans des cahiers ou des registres toutes ces recettes inventées au fil des ans et des saisons, il me regarde un peu surpris et avoue n’avoir gardé aucune trace de ces plats. Certaines recettes sont bien dans sa mémoire et dans celle de tous ses cuisiniers, des photos existent pour d’autres, mais rien de bien organisé. Dans le bureau où nous nous trouvons, un mur impressionnant de livres de cuisine du monde entier fait face au gigantesque tableau blanc sur lequel des produits sont listés, rangés par familles, pour être associés dans la réalisation de nouvelles recettes. Une jeune femme a pour tâche unique de rechercher des nouveaux produits, de nouvelles textures et d’imaginer de nouveaux plats ! Pour Éric, « l’important, c’est de se réinventer constamment. À New York, plus qu’ailleurs, la concurrence est rude. C’est stimulant et cela permet de toujours bien garder la tête au pied des buildings ».

De La Tour d’Argent à New York

Éric a passé sa jeunesse dans le sud ensoleillé de la France. Initié à la cuisine par sa mère et ses tantes, il se forme à l’école hôtelière de Perpignan et n’a que dix-sept ans lorsqu’il rejoint les cuisines de La Tour d’Argent à Paris. Deux ans plus tard, c’est chez Joël Robuchon, au restaurant Jamin toujours à Paris, qu’il apprend avec rudesse les différents métiers de la cuisine. Éric est talentueux, mais l’ambiance d’intolérance et parfois d’humiliation qui règne à cette époque dans les cuisines des grands chefs ne convient pas à cet humaniste. Il décide de partir respirer l’air neuf de l’étranger. Joël Robuchon le recommande à Jean-Louis Palladin, chef du restaurant le Watergate à Washington. Sans parler un mot d’anglais, Eric se fait rapidement une petite notoriété aux Etats-Unis. Il part continuer l’aventure à New York, où il rejoint le Bernardin en 1991. Gilbert Le Coze, fondateur du restaurant, disparaît brutalement en 1994. La complicité et l’amitié qui ont lié les deux hommes pendant leurs quatre années de travail quotidien pousse naturellement Maguy Le Coz à s’associer avec Éric. Une alchimie qui a permis au Bernardin de se hisser aux sommets et de ne jamais en redescendre : Maguy est aux commandes des finances, Éric de la cuisine et de la communication.

Ce Chevalier de la Légion d’Honneur, bouddhiste pratiquant, a sa propre émission de télévision, publie des livres de cuisine régulièrement, et possède quatre autres restaurants à travers les Etats-Unis, ce qui le comble amplement. Éric n’est pas un businessman en mal de nouveaux défis : « Je serais beaucoup trop anxieux ! Ce que j’ai aujourd’hui me permet de profiter de ma famille quelques heures par jour, et pour moi c’est essentiel. » Éric murmure encore qu’il est membre du comité de direction de City Harvest, l’équivalent de notre Soupe Populaire ou de nos Restos du Cœur. Ainsi, chaque jour, dans la ville des extrêmes, un camion de l’association passe récupérer les aliments que les clients n’ont pas touchés…

Le temps file, Éric est appelé en cuisine. Je me laisse reconduire à la lumière du jour, devenue la lumière scintillante des rues new-yorkaises aux premières heures du soir.

Patricia Courcoux-Lepic

 

 

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