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Je vous souhaite de très beaux voyages de lectures.

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L'Arpège est aujourd'hui largement reconnu comme l'un des grands restaurants du monde, et son propriétaire visionnaire a inspiré toute une nouvelle génération de chefs.

Pour atteindre ce degré de créativité, de renouvellement permanent et de beauté, faut-il être d’un autre monde ? L’Arpège, le restaurant du chef Alain Passard, déclenche certainement la question, tout comme le voyage au pays des saveurs que ce chef impressionniste des couleurs fait vivre à ses produits.

Alain Passard est né en 1956 dans un petit village gourmand de Bretagne : La Guerche-de-Bretagne. Village gourmand car nourri de boulangers fameux, de charcuteries généreuses et de nombreux bons petits restaurants. La chambre du jeune Alain jouxte le fournil du pâtissier, sans doute grâce à l’intervention d’une bonne fée qui décida en guise de baptême de le faire grandir au rythme du pétrin et du parfum envoûtant des croissants chauds. Alain Passard baigne dans l’ambiance créative de ses deux parents, une maman couturière et un papa joueur de clarinette, saxophone, batterie et scie musicale.

Mais c’est sa grand-mère cuisinière qui l’initie aux plaisirs de la cuisine : Louise Passard dévoile durant de longues heures à son petit-fils ses secrets culinaires au coin du feu. La vocation semble pointer le bout de son nez : Alain Passard et sa grand-mère commencent à cuisiner ensemble, et elle lui fait découvrir les joies de l’achat de bons produits au marché puis le plaisir de les cuisiner et de préparer de bons repas.

Alain a tout juste dix ans lorsqu’il décide de faire un petit stage chez son voisin le pâtissier. Quatre ans plus tard, sa motivation en poche, il débute son véritable apprentissage chez le chef étoilé Michel Kéréver à L’Hôtellerie du Lion d’Or à Littré en Bretagne. À cette époque, le chef breton est l’un des rares étoilés de Bretagne. Alain y apprend durant quatre ans la technique classique de la grande cuisine française. En 1975, il fait son entrée à La Chaumière à Reims chez Gaston Boyer, trois étoiles au Guide Michelin. Alain garde de cette expérience celle d’une grande maison « qui pratiquait le classicisme de la grande cuisine ». En 1977, c’est la rencontre avec Alain Senderens à L’Archestrate, une rencontre essentielle pour le futur chef. Il y découvre l’atmosphère intense qui règne dans la petite cuisine d’un grand chef, l’excitation et la tension de la brigade orchestrée par Senderens. Alain est tout de suite séduit par le feu : « La relation avec la flamme est de tous les instants, l’inspiration est née de là… », pense-t-il. Trois ans dans cette agitation et cette effervescence suffisent à Alain pour qu’il se décide à entamer enfin sa propre carrière en 1980. Il n’a que vingt-six ans lorsqu’il obtient, en seulement deux ans, deux étoiles au Guide Michelin au restaurant Le Duc d’Enghien du Casino d’Enghien, devenant ainsi le plus jeune chef deux étoiles !

L’art du feu et des légumes

En 1984, Alain Passard part pour la Belgique prendre les commandes du restaurant Carlton de Bruxelles. Résultat : deux ans plus tard, il obtient à nouveau deux étoiles ! De retour en France en 1986, il rachète L’Archestrate, le restaurant de son maître Alain Senderens, à l’angle des rues de Varenne et de Bourgogne dans le 7e arrondissement de Paris. Il le baptise L’Arpège en hommage à la musique, un art qui lui est cher, et il y crée un décor inspiré de l’Art Déco. Dix ans plus tard, en 1996, il reçoit sa troisième étoile du Guide Michelin pour son travail des viandes et sa maîtrise du feu. Mais quelques années plus tard, en 2001, le chef décide de supprimer les viandes rouges de sa carte et de mettre les légumes en vedette : « Je pense être allé très loin dans le monde de la volaille et de la viande rouge, j’aspire aujourd’hui à cette autre exploration qu’est le légume. Je tire volontairement et sans regret un trait sur douze grands classiques de la maison, c’est une réelle remise en question. Avec cette nouvelle aventure, je me mets à l’épreuve d’aller au fond de ma passion ». Le savoir-faire acquis de l’art du feu est désormais mis au service des légumes qu’il rôtit, flambe, grille à basse température comme il l’a si longtemps fait pour les belles viandes.

Aujourd’hui il se passionne pour les végétaux dont le dessin, la forme, la texture, la couleur, le parfum, la saveur stimulent sa créativité : il fait pousser navets, betteraves, choux, radis, tomates, petits pois, céleri… De ce désir de travailler de beaux produits uniquement de saison est né un premier potager en 2002 dans l’Eure, puis un deuxième dans la Sarthe en 2005 et enfin un dernier dans la baie du Mont-Saint-Michel (dans la Manche) en 2008. Ces trois jardins sont plantés dans trois départements distincts afin de respecter le mieux possible les différents terroirs : du sable dans la Sarthe pour les carottes, les asperges et les poireaux, de l’argile dans l’Eure pour le céleri-rave et le chou, et les alluvions de la Manche pour les aromates. « Avec les jardiniers, nous parlons de la carotte ou de la betterave comme un vigneron évoque le Chardonnay ou le Cabernet Franc ! », précise Alain Passard. Le chef bichonne ses jardins avec un soin extrême pour faire de ses légumes des grands crus, et du jardinage le métier de demain. La production totalise 40 tonnes de légumes par an, cultivés de façon 100% naturelle, avec la traction animale pour le labour et la récolte. L’Arpège est certainement le seul restaurant à être entièrement autonome pour ses besoins en légumes, aromates et fruits rouges et noirs. Pour obtenir ce résultat, pas moins de douze jardiniers sont répartis sur les six hectares des trois potagers et travaillent pour répondre aux demandes du restaurant.

Depuis 2001, Alain Passard agit comme un véritable couturier qui crée sa carte au fil des saisons en n’utilisant que les produits de ses jardins. Tel un vigneron qui doit faire face aux aléas de la nature, le chef ne sert que des produits au goût naturel et pur. Voilà pourquoi chaque mois – et souvent chaque semaine – des nouveautés apparaissent sur la carte. Entouré des meilleurs artisans et éleveurs, et ne choisissant que les meilleurs produits, Alain Passard renouvelle et ne cesse de surprendre chacun de ses clients.

La place réservée au vin est tout aussi méticuleuse. En collaboration avec le responsable de la sommellerie Gaylord Robert, les accords mets et vins s’adaptent aux saisons : l’hiver et l’automne, les vins choisis proviennent des régions du sud, tandis que ceux des régions du nord auront leur place plutôt en été et au printemps, respectant de ce fait parfaitement la saison des légumes. Ici tout est saisonnier, et séquencé pour le plus grand bonheur des produits. Alain Passard, quant à lui, avoue un faible pour les vins plutôt jeunes et portés sur le fruit. Nous cueillons encore quelques confidences de ce chef exceptionnel qui, lorsque sa cuisine sommeille, attrape son saxophone pour partager quelques morceaux avec son ami jazzman Lionel Belmondo. Alain Passard le musicien est un artiste accompli qui a aussi exposé ses collages au musée Nissim de Camondo des Arts Décoratifs à Paris.

Patricia Courcoux Lepic

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