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Je vous souhaite de très beaux voyages de lectures.

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Véritable havre de paix avec son parc de huit hectares le long des remparts du XIIe siècle en plein cœur de Marrakech, La Mamounia n’est qu’à cinq minutes de la célèbre mosquée Koutoubia et de la place Jemaa El-Fnaa.

La majestueuse Mamounia d’aujourd’hui fut longtemps un simple jardin adossé aux remparts de la vieille ville de Marrakech, face aux montagnes de l’Atlas. Au XVIIIe siècle, le Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah la dessina pour son fils Mamoun et la lui offrit comme cadeau de mariage. Mariage ou pas, c’est toujours, aujourd’hui encore, un cadeau que l’on se fait, que l’on fait ou que l’on reçoit lorsqu’on a la chance de venir passer quelques heures ou quelques jours ici. D’ailleurs, « on va à La Mamounia » et pas nécessairement à Marrakech, c’est ainsi. Le lieu est plus emblématique que la ville qui l’abrite.

Le havre de Churchill et de Ravel

Donc, il était une fois un petit bâtiment mauresque, le Pavillon de la Mamounia Marrakech, qui permettait de recevoir des invités officiels. Il fut détruit en 1922 pour être remplacé par l’Hôtel de la Mamounia, Transatlantique et CTM. À cette époque, la traversée en bateau est encore nécessaire pour atteindre la côte marocaine. Le Maroc symbolisait un certain orientalisme et exotisme dont les voyageurs de l’époque raffolaient. L’architecte Albert Laprade signe le style architectural de l’hôtel, mêlant harmonieusement les géométries des arts marocains, avec volutes et couleurs ocres, et une pointe d’Art Déco. L’hôtel possède alors une cinquantaine de chambres élégantes et confortables, loin du niveau de luxe actuel. Les clients s’y installent souvent pour de longues périodes, arrivant avec leurs malles-cabines et parfois même leurs meubles. Le plus célèbre des résidents fut assurément Winston Churchill, qui y séjourna plusieurs semaines en 1935 puis régulièrement pendant l’hiver. Les lieux seront une source d’inspiration pour le Premier Ministre britannique, qui réalisa son fameux tableau Sunset on the Atlas Mountains et laissa son nom au bar de l’hôtel. Il ira jusqu’à confier à Roosevelt : « C'est un des lieux les plus beaux du monde ». Maurice Ravel, Béla Bartók ou encore le milliardaire Jean-Paul Getty sont des habitués. Malgré le confort assez succinct, les stars et les grandes fortunes s’emparent des lieux : un mythe est en train de naître.

Dans les années 1950, La Mamounia double le nombre de ses chambres et le cinéma adopte l’hôtel, créant un festival de personnalités et de stars avant l’heure : Orson Wells et Marlène Dietrich, Michèle Morgan ou Rita Hayworth y laissent élégamment leurs souvenirs. Hitchcock y imagine son film Les Oiseaux et y tourne certaines scènes de L’Homme qui en savait trop. Ces années-là, il n’était pas rare d’assister à un bœuf avec Ray Charles et Jimmy, le pianiste du bar. Les habitués se reconnaissent discrètement et finissent pas former une sorte de club : un havre de paix où il fait bon se faire dorloter par un personnel aux petits soins, qui connaît les moindres habitudes des ses hôtes.

Un nouvel écrin

À la fin des années 1980, sous l’impulsion du roi Hassan II, André Pacard, flamboyant décorateur du roi, est chargé de rénover l’hôtel et de le transformer en un véritable palais. Soyons honnête, La Mamounia, qui a plus de soixante ans, a bien besoin d’un petit rafraîchissement. Le budget est no limit : 2 700 ouvriers se relayeront ainsi 24 heures sur 24 pour que, cinq mois plus tard et après des travaux pharaoniques, l’hôtel ouvre à nouveau ses immenses portes. Une aile et un étage ont été ajoutés, ainsi qu’un casino. Le style de l’architecte Laprade est respecté mais amplifié par Pacard qui a même fait rééditer des bergères 1930 de Leleu ! Après quelques réflexions sur le décor de ce nouvel écrin, cherchant avec nostalgie des images du passé, les habitués finissent par l’apprécier. La restauration n’est pas oubliée dans la nouvelle page qui vient de s’ouvrir. Le restaurant Le Marocain devient le meilleur de Marrakech. Et malgré les nouveaux tarifs aussi flamboyants que son décorateur, La Mamounia ne désemplit pas. Les stars d’Hollywood ou de la nouvelle vague sont remplacées par des hommes politiques, des journalistes influents et des people qui s’y pressent. Ce succès est toujours au rendez-vous.

Vingt ans plus tard, La Mamounia se mue une nouvelle fois. Pour changer de chrysalide en papillon, elle se retire pendant trois ans. Comme son père Hassan II, Mohammed VI décide de magnifier ce joyau du royaume marocain. L’hôtel ferme ses portes en 2006. Tous les meubles, tableaux, lampes et mêmes les calèches sont vendus aux enchères. Tout cela pour qu’un soir de septembre 2009 La Mamounia ouvre à nouveau, majestueusement nappée d’une toute nouvelle timidité de clair-obscur et de demi-teintes. Le décorateur Jacques Garcia, maître d’œuvre de la transformation de ce palais, lui a restitué avec panache son ADN hispano-mauresque.

Un parfum de nostalgie

Le visiteur qui, comme moi, pose ses pas pour la première fois sur le sol de cette Grande Dame, ressent immédiatement une pointe de nostalgie d’un passé qu’il n’a pas vécu. L’accueil est chaleureux, la semi-obscurité apaisante et le verre de lait d’amande douces et le plateau de dattes donne le ton. Précieux, magie, excellence sont les mots qui reviennent tout au long du court séjour dans ces murs. L’expérience sensorielle fait partie du voyage : une odeur mélangée de fleurs d’orangers et d’oliviers, savamment orchestrée par Olivia Giacobetti, un des plus impressionnants nez de la planète, vous enveloppe délicatement comme d’un voile transparent.

Chaque espace, chaque détail, chaque recoin a été pensé et justifié. Une petite histoire s’accroche partout à la grande. On sort, la première fois, pour prendre le pouls de la place Jemaa El-Fna. Et lorsque l’on a senti qu’il battait bien fort, on rentre prestement se réfugier dans les remparts de l’hôtel… pour ne plus en sortir. Se perdre dans les huit hectares de jardins est un délice. Les oliviers centenaires veillent sur les sept cents orangers, les deux cents citronniers et les six espèces rares de palmiers. Des jardiniers coupent et taillent soigneusement les cinq mille rosiers alignés dans l’allée des oliviers. La promenade continue, Lamia El Ghorfi, responsable de la communication, nous conduit jusqu’au jardin potager où les quinze variétés de tomates partagent aimablement l’espace avec les salades, navets, courgettes jaunes et vertes, potirons, potimarrons… et les herbes aromatiques, qui n’ont pas été oubliées. La citronnelle parfume l’air doux de la matinée, les couleurs des fleurs s’entremêlent à celles des citrons et des oranges, le temps semble suspendu.

Lorsque la chaleur se fait trop forte et la lumière un peu trop intense, on se réfugie à l’intérieur : les chemmassiats – ces petits claustras de plâtre sculptés et cintrés situés au dessus des portes – y laissent entrer la lumière tout en conservant la fraicheur dans le jeu d’ombre et de lumière des moucharabieh, en bois ajouré protégeant les fenêtres et les balcons réservés aux femmes et qui leur permettaient de voir sans être vues.

Les Mille et une nuits au restaurant

Le soir venu, l’expérience du dîner au restaurant marocain est un moment de grâce dans un décor des mille et une nuits. Les plats proposés sont dans la plus pure tradition marocaine. Le discret Chef Rachid Agouray revisite la gastronomie nationale, mêlant les plats classiques, généreux et familiaux avec une subtile carte moderne. Ainsi des plats traditionnels marocains sont revus à la manière contemporaine, comme la fameuse pastilla au homard et épinards. Un régal que nous avons accompagné d’un vin rouge de la Ferme Rouge, un producteur de la région de Rommani près de Rabat : un cépage de tempranillo et syrah avec un bel équilibre de fruit et de fraîcheur, une jolie découverte. Trois autres restaurants feront le bonheur des épicuriens les plus exigeants : Le Français conduit par Jean-Pierre Vigato, avec une cuisine française contemporaine, L’Italien de Don Alfonso, offrant bien sûr une délicieuse cuisine italienne, et le Pavillon de la piscine qui sert une cuisine Méditerranéenne et le petit déjeuner.

Un petit tour par le Spa avant de quitter ce havre de paix et de sérénité, pour un hammam traditionnel avec des produits exclusivement signés La Mamounia : Savon noir, Ghassoul, Eau de rose, Huile d’argan, Eau de fleur d’oranger.

Trois ans après sa réouverture, La Mamounia continue d’attirer les esthètes du monde entier. Cette vitrine de l’art marocain avec toutes ses composantes, n’a pas fini de séduire et d’attirer le visiteur qui franchit ses immenses arcades recouvertes de zelliges, ces mosaïques de terre cuite émaillée, qui symbolise si bien l’hospitalité.

Patricia Courcoux Lepic

 

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